El Español 1810-1814, une source pour le discours politique de l'Amérique insurgée

Dans le cadre de la refonte de mon mémoire de maîtrise sous la direction de François-Xavier Guerra, soutenu en 1998 à l'Université Paris-I, Court Ô Bouillon propose un petit insight sur un épisode fondamental de la génèse politique en Amérique hispanophone. A l'époque, j'avais travaillé sur l'imaginaire politique hispanoaméricain dans le strict contour que lui avait dessiné un intellectuel ibérique émigré à Londres au travers de sa publication : El Español (Londres, 1810-1814).

Au fil du plan d'édition des différents chapitres de ce texte, vous retrouverez sur cette page le menu commenté afin de vous naviguer plus aisément sur cet océan mal connu de l'histoire mondiale. J'y aménagerais également la publication des annexes (aïe ! il va falloir se refrotter à l'édition statistique sous Excel !) et des principales sources de mon exposé.

Je caresse le secret espoir de donner à mon travail sa véritable dimension - en juin 1997, la mort dans l'âme, j'ai dû laisser de côté  une masse de travail, de notes, un plan structuré qui, de l'avis de mon directeur, présageait d'un véritable travail de doctorat, et ne m'aurait donc pas permis de présenter dans le temps imparti la soutenance de maîtrise. Une littérature nouvelle s'est depuis ouverte à moi, sur internet, et je serais très curieuse de raccorder une étude qui fut alors strictement scripturale à la pléthorique production pseudo-encyclopédique sur le web. Mais... nous verrons.

 

Chapitre 1 : un intellectuel engagé de la première moitié du XIXe siècle
Logiquement, le premier chapitre s'attachait à présenter l'éditorialiste de ma source. C'est le premier texte que j'ai souhaité diffuser au public. En effet, José Maria Blanco White, présent dans les dictionnaires de littérature en tant que poète anglophone, est très largement sous-estimé dans son rôle pourtant essentiel dans le journalisme moderne et dans l'activité politique de son époque, préfiguration de l'engagement idéaliste en actes au service de ses contemporains.

Consulter isolément ce chapitre donne lieu  à une approche de la naissance du journalisme dans le contexte des guerres napoléoniennes et du libéralisme à l'anglaise - libéralisme s'entendant ici, et fermement, dans son seul sens originel, de concept des libertés en matière de res publica, une idée qui (re) monte en puissance en Occident dès les temps modernes et les débats issus de la Réforme et des aléas politiques des luttes dites de religion. Il rend hommage à une grande figure de l'intellectuel cosmopolite, radical pour son temps quant à son éthique idéologique et original de par sa spiritualité anti-cléricale, mais typique dans son conservatisme social et culturel des élites de la première moitié XIXe.
C'est une entrée in media res.... qui suppose quelques rudiments de savoirs sur les événements hispaniques de la fin du XVIIIe à la fin du premier quart du XIXe. Pour approfondir ceux-ci, je vous recommanderais plutôt de parcourir le deuxième chapitre.


Chapitre 2 : les débuts de la crise du monde hispanique

Détailler la pertinence de la documentation centralisée par El Español entre 1810 et 1814 pour une étude du discours de l'Amérique insurgée impliquait de présenter les événements qui conditionnaient l'explosion de cette littérature outre-mer. A commencer par le contexte d'une année clef pour le pilier européen de la monarchie : 1810. Cette année, qui vit l'esquisse, au printemps du processus général de formation de juntes en Amérique espagnole, et le début de l'insurrection mexicaine en septembre, fut d'abord la date en janvier la fin du premier gouvernement révolutionnaire dans la péninsule, la Junte Centrale, et de l'ouverture des Cortes six mois plus tard. Elle marqua aussi l'installation  de Blanco White à Londres et sa fondation d'El Español.

(I) La guerre d'indépendance et la révolution en Espagne
A l'origine de la question prérévolutionnaire  outre-Atlantique, il faut revenir à la situation stratégique sur le vieux continent. La Révolution Française, les guerres napoléoniennes, et plus spécifiquement, l'annexion bonapartiste de la péninsule ibérique sont les phénomènes déclencheurs d'une guerre d'Indépendance sans précédent, où se posent des questions de résistance et de collaboration à l'ingérence impériale et militaire, entremêlées à un débat à vif autour de vieilles ou plus modernes théories juridiques et politiques. Absolutime, constitutionalisme historique traditionnel, libéralisme d'ancien et de nouveau régime,... telles sont les idées politiques qui, remontant au plus loin de la production littéraire médiévale, à l'effervescence des guerres de religion, aux théorisations nouvelles en Angleterre et en France, prennent tout leur caractère moteur dans l'Espagne du fantôme de Ferdinand VII.
L'originalité de la vie politique de cette époque, c'est qu'elle est à la fois
très popularisée (la foule, comme dans la France de la fin du XVIIIe, est conviée parfois par les pouvoirs en place ou en attente, souvent s'invite, incontrôlable, dans les débats)  et dans le même instant puissamment théorisée (des plumes et presses sans nombre s'ajoutent aux proclamations gouvernementales et insurrectionnelles afin de vilipender, de célébrer et compléter les orientations politiques). Cette conjonction spécifique peut être considérée comme l'âge d'or de l'opinion publique.
Nous sommes ainsi emmenés jusqu'à un fait historique extrêmement complexe, le 27 janvier de Cadix, qui marque la victoire d'un outsider insoupçonné dans cette vie politique : l'insolence colonialiste d'acteurs non politiques au sens littéral mais socioéconomiques (les armateurs et marchands gaditans), en alliance opportuniste avec un compromis improbable de responsables gouvernementaux et d'intellectuels dont le mix tend à favoriser la fraction la plus rétrograde du point de vue constitutionnel, les partisans des traditionnels processus groupaux d'Ancien Régime et de la préservation des privilèges des élites.

(II) L'Amérique de l'union à la rupture
Cette double victoire sur le vieux continent, outre qu'elle fournit un puissant cadre de pensée quant à la nature profonde des origines historiques et morales du libéralisme contemporain (dans sa version politicoéconomique et non plus son essence éthique et constitutionnelle), est au fond celle de la manipulation de masse, et alors même qu'elle se structure dans son efficience gouvernementale et psychique, elle découvre à ses cibles les plus éclairées ses propres fondements et processus. Les Hispanoaméricains ne seront donc pas dupe, et c'est bien, en ce qui concerne sa fraction activiste, une lecture bien comprise de leurs intérêts particuliers et un idéal de morale politique, qui les déterminera à la rébellion.




 


En mémoire de mes anciens camarades du Centre de Recherches de l'Amérique Latine du Panthéon-Sorbonne et de l'association ALEPH (Amérique Latine : Etudes et Problématiques d'Historiens), en particulier Geneviève Verdo et Véronique Hébrard.

 


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